Voici les questions qui m'ont été posées par les élèves de 4e année de l'école Vision de Sherbrooke et leur enseignante de français (Chantale Toulouse)
lors d'un atelier de bande dessinée le 18 février 2011.
80 élèves entre 8 à 12 ans
Animateurs: Francis Pelletier

1. Depuis combien de temps faites-vous des bandes dessinées?
Passionné de la bande dessinée depuis l’âge de 8 ans, l’idée de devenir dessinateur m’est venue. Ce n’est que vers l’âge de 19 ans que je me consacre sérieusement à la bande dessinée comme auteur.


2. Comment avez-vous choisi votre nom de bédéiste (Grazo)?
Ce pseudonyme m’est venu lors d’une discussion avec mon collaborateur scénariste, Salvador Dallaire, alias Salo. À l’époque, j’avais inventé un personnage qui s’appelait « Granule », nous avons fait le lien avec (Granule et Salo), ce qui donna l’abréviation de Grazo (Salo & Grazo).


3. Comment avez-vous choisi les noms de vos personnages (Rino et Ouistin)?
Passionnés de science-fiction, Salvador et moi voulions faire de nouveaux personnages de bande dessinée classique entre Tintin et Spirou. Dans un premier temps, le prénom de Ouistin est un mélange de deux mots, whisky et Tintin. Nous sommes partis du son Whis de whisky pour l’écrire Ouis et Tin pour Tintin, dont le résultat est Ouistin. Ensuite, nous voulions trouver un prénom court qui s’associerait bien avec Ouistin, c’est alors que j’ai pensé à Rino, comme le prénom de mon cousin. Au départ, Ouistin était un animal bizarre qui se nourrissait d’alcool. Par la suite, les prénoms de nouveaux personnages sont apparût tels que le pays du Ouismistin, Sistin, Mistin, Cousistin, Coumistin, Sistine, Bulletin, etc.

 

4. Y a-t-il une personne qui vous a inspiré et qui vous a donné le goût d’être bédéiste?
De grands bédéistes tels qu’Hergé, Franquin, Uderso, Bilal et Loisel m’ont inspiré. Hergé, entre autres, a joué un rôle primordial dans mon développement graphique. Cela remonte à l'âge de 10 ans où j'ai repris entièrement l'album « Tintin et les picaros ».


5. Comment trouvez-vous vos idées?

Il faut dire que les idées viennent souvent lors de plusieurs discussions avec le scénariste, communément appelé du brainstorming. Salvador lance quelques idées et moi je poursuis avec des gags, des actions ou tout simplement avec de bonnes intrigues.


6. Aimez-vous votre métier?
Passionnément! Par contre, la bande dessinée est un passe-temps qui occupe beaucoup mon temps. Depuis que j’ai terminé les études, je travaille en imprimerie, ce qui est un métier parallèle à la bande dessinée et qui me plaît tout autant.


7. Quelle a été votre première B.D.?
Cela remonte à l'âge de 10 ans où j'ai repris entièrement l'album « Tintin et les picaros » que j’ai encore en ma possession comme souvenir d’enfance. Il s’en est suivi quelques essais avec des histoires sur Goldorak et Albator. Par la suite, vers l’âge de 17 ans, j’ai inventé le personnage « Granule » qui ressemblait étrangement à Gaston Lagaffe. Enfin, ce n’est que lorsque j’ai commencé mes études en graphisme au Cégep de Rivière-Du-Loup que j’ai connu Salvador Dallaire, scénariste, avec qui j’ai créé les personnages de Rino & Ouistin.


8. Combien de bandes dessinées avez-vous réalisées?

J’ai réalisé et publié 5 albums de Rino & Ouistin, ce qui compte environ 225 planches dessinées. Récemment, je travaille en collaboration avec l'auteure Mireille Turcotte sur un nouveau projet « Cédrine et Pidor » qui sont des personnages d’une bande dessinée pour les touts petits avec une colorisation traditionnelle à l’encre. Quelques dessins ont été créé pour le moment, esquisse des personnages, scénario et test de colorisation.

J’ai également participé aux fanzines « Sextant » et « Zinezag ». Je collabore également avec le bédéiste Martin Roy en tant que coloriste pour les bandes dessinées d’un super héro Soccerman qui ont été publiées dans le magazine « Soccermag » et les « Frères Podckasz » dans le « Journal de Montréal ».


9. Quelle est la première B.D. que vous avez lue?
C’était un album de Tintin, « Les cigares du Pharaon »


10. Avez-vous déjà fait des B.D. pour adultes?
Oui, j’ai fait une bande dessinée de 11 pages de 1998-1999 qui n’a jamais été publié. Il s’agit d’une bande dessinée de science-fiction intitulée « L’IMPASSE », scénarisée par Salvador Dallaire. À partir de ce moment, mon trait de crayon s’est beaucoup amélioré.


11. Qu’est-ce qui est le plus difficile : écrire le texte ou faire les dessins?
Les deux vont de pair, car tant que vous n’avez pas trouvé la bonne idée, la bonne prise de vue, le bon gag, tout est compliqué et difficile. L’expérience est un atout et le seul secret pour que tout soit plus facile, c’est d’en faire le plus souvent possible comme toutes autres choses. Le talent vient avec la pratique.

 

12. Quelles sont les étapes à réaliser pour faire une B.D.?
Les étapes de réalisation d’une bande dessinée sont de créer une histoire, situer l’histoire dans le temps et l’espace, inventer les personnages, faire les croquis préparatoires que ce soit pour les décors, objets ou personnages (documentations). Ensuite, poursuivre avec le découpage dessiné et scénaristique, le crayonné, l’encrage, les bulles, la typographie et la colorisation traditionnelle ou numérique.


13. Quelle partie de votre travail est la plus difficile et l’étape la plus facile?
Pour ma part, l’étape la plus difficile est de trouver de nouvelles idées scénaristiques et le modelage de nouveaux personnages, dont les traits physiques, les vêtements et accessoires. Ce que je trouve « facile », mais surtout amusant est la recherche de documentation visuelle et photographique. J’adore me rendre sur place, là où mes personnages vont vivre l’aventure. Je prends plusieurs clichés et croquis et j’imagine les scènes qui pourraient s’animer. La partie que j’adore encore plus est le découpage dessiné; c’est vraiment là que tout prend forme, les idées se bousculent, les plans, les angles de vue, la scène, l’ambiance, l’éclairage, les personnages, les bulles. C’est à cette étape que l’histoire devient crédible. J’adore également l’étape de la colorisation soit traditionnelle ou numérique.


14. Quand avez-vous eu la piqûre pour l’écriture?
Dès l’âge de 8 ans, même si j’avais beaucoup de difficulté avec la grammaire.


15. Quel est votre personnage préféré dans vos bandes dessinées?
Ouistin est certainement le personnage que je préfère, car il est un extra-terrestre et j’adore la science-fiction. Son aspect « animal bizarre » lui vaut une première place et lui donne une personnalité unique comme personnage de bd.


16. Est-ce qu’il y a des personnes qui vous aident?
J’ai plusieurs collaborateurs à qui je demande conseils, soit pour obtenir des commentaires, des trucs ou leurs critiques. Bien sûr, mon premier collaborateur est Salvador Dallaire, scénariste, qui demeure à Saint-Georges de Beauce avec qui je crée les Aventures de Rino & Ouistin. Il y a Louis Paradis, demeurant à Montmagny, qui est à mes yeux un mentor et un professionnel en BD, qui ne se gêne pas pour dire mes forces et mes faiblesses dans les scénarios et dessins. Il y a également Martin Roy, résidant à Montréal, dont je fais la colorisation de ses bandes dessinées. Et le dernier, mais non le moindre, Sylvain Poisson de Sherbrooke avec qui j’anime des ateliers de bd à Sherbrooke.


17. Où vendez-vous vos bandes dessinées?
Ils sont en vente à la Biblairie GGC de Sherbrooke et sur mon site internet www.rinoetouistin.com. J’en ai également distribué dans les bibliothèques des écoles et municipales en Estrie. Quand nous sommes à compte d’auteur, la visibilité n’est pas la même que si nous sommes publiés par un éditeur. Être à compte d’auteur veut dire publier ses propres œuvres. Nous devons tout faire de la création de l’histoire, le dessin, la colorisation, le montage infographique, la faire imprimer, la distribuer, le marketing et les ventes.


18. Où aimez-vous travailler?
À la maison, j’ai installé un espace pour mon atelier de dessin ou devant mon ordinateur pour la réalisation infographique; numérisation et colorisation.


19. Quelles sont vos B.D. et auteurs préférées?

Durant mon enfance, il y a eu Tintin, Astérix, Spirou, Yoko Stuno, etc. Aujourd’hui, je lis beaucoup plus de bandes dessinées réalistes pour adulte d’auteurs tels que Bilal, Loisel, Moébüs, Caza et bien d’autres.


20. Combien de temps cela prend-il pour faire une B.D.?
Il est très difficile d’évaluer le temps que ça prend. Cela dépend de bien des facteurs : du dessinateur, du projet, du nombre de pages, du nombre de cases, noir et blanc ou en couleur, de la complexité d’une case, si dessin traditionnel ou numérique, du délai de livraison… de la disponibilité du bédéiste.


21. Est-ce que vous écrivez et dessinez à la main ou à l’ordinateur?
Je préfère dessiner à la main même si j’utilise souvent les deux. Je suis de la génération traditionnelle et qui dit traditionnelle, dit papier. Le fait de faire un dessin sur un papier à beaucoup plus de valeur à mes yeux, car il est unique et véridique. Tandis qu’un dessin réalisé virtuellement n’a pas la même valeur sentimentale et monétaire, le dessin réalisé à l’ordinateur est cependant plus maniable et corrigible. Mais aujourd’hui, l’important est la rapidité et le résultat final.


22. Pourquoi avez-vous choisi de faire des B.D. de science-fiction?
J’adore la science-fiction. Dès mon tout jeune âge, ce que je regardais à la télévision était les émissions de Star Wars, Goldorak, Albator et Cosmos 1999. J’adore également la cosmologie, l’astronomie, les sciences, la géographie, l’histoire et l’évolution. D’un univers à découvrir et à imaginer, je rêvais de devenir cinéaste pour créer mes propres films, mais j’ai vite appris que je n’avais pas les outils pour ce genre de rêve. Par contre, faire de la bd était beaucoup plus accessible surtout pour un enfant.


23. Avez-vous créé plus de personnages que dans Le monstre de l’Empress?
Les personnages ont été inventés progressivement et chronologiquement avec les albums. Il y a quelques exceptions comme le personnage de « Sistine », princesse et fille du roi Sistin, qui a été seulement citée au tout premier album “Aventure sur Mars », mais qui a fait sa première apparition physique dans « Le Monstre de l’Empress ». Il y aura encore de nouveaux personnages à venir dans les prochaines aventures.


24. Pourquoi avez-vous fait certaines B.D. en noir et blanc et d’autres en couleurs?
À l’époque dans les années ‘80 et ’90, l’impression en couleur sur les presses était très dispendieuse et nous n’avions pas le financement pour imprimer en couleur et encore moins de faire des couvertures rigides. Notre budget se limitait seulement à une impression en noir et blanc pour un premier album en 1992, « Aventure sur Mars ». Dès l’arrivée des presses numériques, cela nous a permis d’imprimer nos quatre autres albums à des coûts très abordables, soit en noir et blanc ou en couleur.

25. Avez-vous fait d’autres séries que Rino et Ouistin?
Il y a plusieurs sujets que j’ai expérimentés et que j’ai envie de poursuivre, entre autres, un projet d’une bd pour enfant et un autre sur les légendes indiennes dans un style plus réaliste.


26. Quel a été votre plus gros défi depuis que vous êtes bédéiste?
Le plus gros défi est de se faire connaître, d’être visible sur le marché du livre et de prendre sa place parmi les professionnels.


27. Est-ce qu’en faisant des B.D. c’était votre but d’être célèbre?
Être célèbre est un grand mot. Personnellement, je ne me sens pas quelqu’un de célèbre, mais plutôt une personne qui a cru en son rêve et qui l’a réalisé. Devenir dessinateur de bande dessinée était un de mes rêves d’enfant et aujourd’hui, même si je le fais à comte d’auteur, je dessine encore et je continue d’alimenter ce rêve. J’ai également réalisé un autre rêve, celui de publier et d’imprimer un album en couleur. Mais avant toute chose, avant de réaliser un rêve, il faut y croire et travailler sur ce rêve pour qu’il se réalise.


28. Avez-vous une famille? Est-ce qu’ils font eux aussi des B.D.?
J’ai trois enfants, dont les jumeaux (une fille et un garçon) qui sont âgés de 18 ans et un autre garçon de 16 ans. Bien que ma fille aime dessiner et faire de la bd, je doute fort qu’elle fasse une carrière en art graphique, mais elle est très créative. Son frère jumeau expérimente la musique comme auteur-compositeur-interprète. Le cadet est plus terre-à-terre et s’intéresse surtout à la construction. Il y a en chacun d’eux un artiste qui sommeille.


29. Combien de tomes de Rino et Ouistin pensez-vous faire?

Présentement, cinq tomes ont vu le jour depuis 1992 et je souhaite en produire davantage dans le futur. Le nombre n’est pas établi, nous le faisons un album à la fois.


30. Laquelle de vos B.D. est votre plus belle réussite?
Celui dont l’histoire se déroule au Québec dans le fleuve Saint-Laurent, « Le monstre de l’Empress ». L’accessibilité des lieux réels dans un contexte fictif m’a permis de faire une meilleure recherche documentaire et en prime, j’ai créé une colorisation personnalisée.


31. Est-ce qu’il faut suivre des cours pour être bédéiste?
Préalablement oui et non, car c’est un métier et aussi un Art. Il y a des techniques à respecter, l’art de la littérature, l’art de la cinématographie et l’art graphique. Chacun peut faire ce qu’il lui plaît (bd marginale), mais s’il veut être édité, il devra suivre les directives de l’éditeur. Il existe des cours et des ateliers de bd dans la plupart des régions, informez-vous auprès de votre centre culturel régional.


32. Pensez-vous vendre vos B.D. dans d’autres pays?
J’ai déjà vendu plusieurs exemplaires en Europe auprès d’autres bédéistes professionnels et amateurs. Ce sont des ventes modestes pour le moment, mais si un jour nous avons la chance de collaborer avec un éditeur, nous pourrions être distribué sur le marché européen.

33. Avez-vous des trucs pour dessiner les personnages?
L’observation du comportement humain et animal est un facteur très important à considérer. Leurs gestes, manies, physionomies, costumes, races et époques détermineront la vraie personnalité de votre personnage. Le miroir, à défaut de ne pas avoir de modèles vivants ou photographies, vous aidera beaucoup que ce soit pour une expression, pour l’anatomie ou pour un mouvement désiré à mieux dessiner.


34. Quels conseils nous donneriez-vous pour faire nos propres B.D.?
Avoir beaucoup de passion, de patience, de persévérance, d’originalité, d’imagination, de l’observation, dessiner, dessiner et dessiner.

Un gros merci à tous!

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